One ok Rock – Zankyou Reference

Comme Joffre et Foch arpentaient Paris en signe d’une victoire aussi forte que temporaire, One ok Rock fait indéniablement partie de ces fleurons du rock japonais qui, dans une tentative de renouveler un genre périclitant, se présentent depuis quelques années comme le parfait vase communiquant entre l’exotisme nippon et des influences musicales américaines d’une autre époque.

Séparée de leur guitariste aux mains baladeuses Alex en 2009, la prolifique formation n’a eu de cesse de travailler sa popularité au corps, enchaînant de nombreuses dates japonaises logiquement portées par le style du groupe, fédérant et solidifiant ainsi progressivement sa base de fans.
L’hexagone ne s’est d’ailleurs pas trompé sur la qualité de One ok Rock, tant dans le jeune quatuor ne cesse d’être acclamé par les blasés de la musique japonaise qui y voient là – peut-être à juste titre -  une porte de sortie salvatrice, où se mêlent et s’entremêlent les affinités multiculturelles pour mieux en extirper un son vigoureux et personnel à l’image de ses membres.

Il n’était ainsi pas étonnant de voir rapidement la création d’une Street Team française au succès sur le papier immédiat, les blogs affluer, les critiques positives s’accumuler, et les clips cartonner les uns après les autres sur la chaîne Nolife.

Zankyou Reference, nouveau fantasme des aventures musicales du chanteur Taka et ses amis, était source d’une attente d’autant plus forte que ladite galette était le successeur de Niche Syndrom, sorti le 9 Juin 2010, petite claque de nervosité bourrée de caractère, qui mettait un coup de boule dans un marché moribond et un mois de sorties toutes pourries où Gackt et les surestimés RADWIMPS faisaient office de concurrence bien peu féroce. Le résultat est sans appel : Avec plus de 65.000 exemplaires vendus lors de la première semaine, Zankyou Reference double le dernier record du groupe en date.

En bringuebalant ses cojones à qui souhaite bien être giflé avec, One ok Rock arrive avec Zankyou Reference à la maturité à laquelle ils aspiraient, en virevoltant avec une unité et une identité déconcertantes  d’un registre à un autre. La ligne de basse forte et omniprésente et la maîtrise d’exécution exemplaire tout en simplicité apparente qui caractérisaient autrefois le groupe, viennent ici se présenter sous un angle suffisamment neuf et soigné pour le dégager du cercle des THE HIATUS, ELLEGARDEN et assimilés.

Débutant sur les notes et paroles enflammées de LOST AND FOUND – véritable figure de proue de l’album –, Ryota et Toru s’enlacent à travers leurs instruments respectifs pour offrir un cocktail détonnant en forme de montagne russe, où les refrains agités viendront rythmer des couplets à mid tempo,  laissant la part belle à l’émotion fragile mais jamais dégoulinante d’un Taka plus en place que jamais.

C’est sur ce schéma très axé Takabisha que One ok Rock va construire les fédératrices Answer is near et Let’s take it someday, auxquelles on reprochera malgré leur individualité évidente, une rage contenue que l’on aurait préféré voir plus étouffante.

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A contrario, l’explosive NO SCARED se présente comme un concentré de puissance brute où la scansion des mots, tantôt mélodique, tantôt enragée, vient apporter au titre une immédiate bouffée de chaleur et prouve que la vitalité One ok Rock qui avait autant fait mouche dans Niche Syndrom n’a rien perdu sa superbe. Partie d’une même belle volonté, la piste Re:make aurait tenu la route à défaut de la chandelle, si les couplets excités n’avaient pas été laminés par un refrain faiblard et convenu, où la jonction de la culture rock japonaise et américaine se fissure pour laisser place à quelques grumeaux assez peu agréables à l’oreille.

Pour autant, One ok Rock ne se contente pas de jouer la carte du confirmatif, et s’offre avec C.h.a.o.s.m.y.t.h. et Mr. Gendai Speaker, deux canons de beauté à son répertoire. La première, aérienne et poignante, à la construction pourtant extrêmement classique sur le terrain pop rock international, joue davantage sur la différence de sonorités entre les langues pour emporter l’auditeur dans son refrain tourbillonnant. Prenant aux tripes, ce titre qui n’est pas non sans rappeler les productions internationales de The Used, Pencey Prep et consorts, est une belle présentation de la tessiture sans cesse grandissante de Taka dans un milieu nippon mainstream où, le plus souvent, la voix lead est considérée comme un instrument déficient qu’il faut noyer dans la masse.

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Mr. Gendai Speaker se présente quant à elle comme un petit bijou d’élégance envoutante jamais grandiloquente, où la profondeur, la noirceur, n’auront d’égal que la force colossale des refrains servis par un Tomoya à la batterie simplement magistral. Une perle succulente et sexy, à laquelle le break offre un voyage en spiral autour de la voix de Taka, définitivement impressionnant.

Si on appréciera par la suite, la construction plus originale de l’électro (et OVNI) Seken Shirazu no Uchuhikoushi et ses refrains entêtants, on pourra émettre les plus grandes réserves quant à l’éternelle ballade emo-adolescence dont s’affuble One ok Rock à chaque album, ici Pierce, aussi délicate que dispensable, tant les poncifs s’accumulent pour tirer sur une corde sensible que les nuances de Taka auraient suffit à nouer.

Un titre d’autant plus contestable, que Kimishidai Ressha, conclusion de l’album, laisse une sensation d’inachevé à l’album de par son extrême consensualisme, auquel le talent des quatre jeunes membres du groupe n’arrivera pas à apporter les saveurs nécessaires au moment épique que le pont souhaiterait insérer dans ce titre.

Si malgré ses petites erreurs de parcours – et à défaut d’être celui de la perfection –, Zankyou Reference est éminemment l’album de la maturité, il est aussi celui du chemin classique emprunté par les groupes de rock japonais de ces derniers années qui, tout en enchaînant des titres d’une certaine qualité – et d’une qualité certaine –, tendent à renier leur pugnacité d’origine, confondant sagesse et mauvais dosage et contribuant à écraser une nouvelle fois le rock japonais vers le courant pop rock majoritaire, aujourd’hui plus qu’obtus.

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Mais ne vous y trompez pas, Zankyou Reference réussit là où BEAST de VAMPS s’était a posteriori plombé en beauté, en conservant une identité, une force et une beauté singulière propre au groupe.

Et en cumulant un son désormais classique des années 90 et un renouvellement perpétuelle de sa sonorité, One ok Rock possède une aura rock’n’roll qui, une fois en live, ne peut que se libérer pleinement pour y prouver toute sa légitimité. Une légitimité qui, en seulement quatre ans, n’a plus grand-chose à envier de celle des références japonaises du genre.

Tags: j-music, j-rock, japan, jrock, niche syndrom, one ok rock, rock, taka, zankyo reference

A propos de Nunya

Perdu entre quelques chroniques, affres juridiques et amour immodéré de transmédia, Nunya est un jeune demi-chauve optimiste et passionné de culture populaire, particulièrement bien dans son époque.