Un monde de zombies

Podcast de la semaine – Critique du film Wicked Little Things

 

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«  Quand il n’y a plus de place en enfer, les morts viennent sur la Terre, et vont travailler à la scolarité des facultés de droit  »

Nunya.

Premier article, première débandade. Du mythe au culte, de l’égérie d’un cinéma horrifique présupposé moderne, à une race banalisée à outrance par une surexploitation littéraire, filmique et vidéoludique, le mort-vivant est l’archétype du héros rendant à l’homme l’humilité de son éphémère passage sur terre.
Nul n’est besoin de faire ici un dossier relatif à ces lambeaux sur pattes qui bras ballants souhaiteraient s’offrir une orgie de votre chair fraiche, assimilable à son seul moyen de reproduction.

Après tout, d’autres s’y sont frottés avant moi avec une certaine aisance, aussi bien sur la toile que sur le papier.

Parce que oui, avant tout, souvent prince du gore à outrance et parfois du ridicule le plus achevé, le zombie est bien intronisé comme la fusion inavouable et inavouée entre un pot de yaourt à la date de péremption séculaire et le plus mauvais lendemain de cuite jamais opéré.
Et si l’enfer vomit les morts pour éclabousser les vivants, il le fait n’importe comment.

Originellement emprunt de magie noire et de vaudou qu’un certain Wes Craven sous acide aura tenté de ressusciter en 1988 (The serpent and the rainvow) avant de repartir dans ses délires hallucinogènes avec des réseaux électriques meurtriers, le zombie, aussi mal-dit « mort vivant » ou « vendeur à Carrefour », est aussi multiple que les personnalités des divers ministres de la culture.
En effet, cette race foisonnante, capable de faire pâlir Michael T.Weiss, propose non exhaustivement de petites perles d’inventivité :

Des zombies maîtrisant le kung fu (Cf. Le surpuissant « La Fureur du Revenanté » de Wu Ma de 1982) aux zombies nazis (Jonglant entre séries B correctes tel Shock Waves de 1970, ou le lancinant Dead Snow de 2009), le zombie est partout.

Et comment oublier les zombies templiers (La Noche del terror ciego de 1971), les zombies infectés par des extra-terrestres (Cf. L’hallucinant nanar Plan Nine From Outer Space de 1959), les zombies créateurs de jeux vidéo (Les équipes à l’origine des trois derniers Final Fantasy) et ces inventions toutes plus effarantes les unes que les autres, offrant au zombie une véritable ubiquité dans ses thématiques à défaut d’un iconisme dont il faisait pourtant l’apologie.

On retiendra, bien sûr, que malgré les différences parfois substantielles entre ces types de zombies, celui-ci répond à des codes tellement segmentés qu’à côté, les inspirations  et improvisations jazzy tout à fait imprévisibles du journal télévisé de TF1 relèvent du génie.

Parfois assimilé à un vampire dégénéré, rejeton immonde d’une obscure consanguinité (« Anthropologie du zombie » de Frédéric Astruc), le zombie est avant tout un clown débile à l’orgasme chronique, protégé de Steven Hoeffling, anthropophage (Cf. Opening de Dawn of the dead de 1978) et décoloré.

Fragile, blafard, son traitement a toujours dépendu du message insufflé par son conteur. Parfois source d’une puissante critique du consumérisme précise et pragmatique ( Dawn of the dead, l’original) ou débilifiante et à côté de la plaque (Dawn of dead, la copie, de 2004), le zombie a souvent été un vecteur de thématiques puissantes à protéger dans le cinéma de genre.
Fallait-il vraiment pourtant en faire un unique intermédiaire entre un message parfois archi éculé (Diary of the dead, où l’histoire d’un réalisateur totalement à côté de ses pompes dont le cerveau s’est arrêté en 1980), et quelques réalisateurs aux talents indiscutables ?

La réponse est éminemment négative. En est la preuve, la panoplie fabuleuse de séries B à Z, tranches de zombies strip-teaseuses dans Zombies Strippers (2008), rondelles de zombies aériens dans Flight of the Living Dead: Outbreak on a Plane (Affublé chez nous du magnifique « Les zombies dans l’avion », de 2007), ou encore spicilèges de zombies punching-ball tirés de Zombieland (2009).

Ici, le message souvent boiteux est supplée par un spectacle habituellement granguignolesque.
Et c’est là que le bas blesse, le zombie est aussi horrifique qu’inégal, aussi mythologique que pérave. Chair à canon volumétrique au sein de Left4 Dead (2008), réfugié asiatique en Afrique dans Resident Evil 5 (2009), le genre est tellement surexploité et éparse, que le zombie a fini par s’asseoir par terre, après avoir trépigné des années le cul dégoulinant entre des dizaines de chaises.

Doit-on voir, dans le futur La Horde (2010) de notre Yannick Dahan national, le revival honorifique et hommage aux zombies viscéraux et bandants ?
Ceux-ci mettraient alors de côté, un instant, les abrutis lourdingues réinventant le balais dans le cul, certes parfois avec une ingéniosité débordante (Lucio Fulci, ou comment réinventer avec génie la puissance du hors champ), mais souvent sources d’une réalisation exécrable obtenant la palme de la dégénérescence (Uwe Boll et son House of the dead, ou comment le zombie peut être à la fois devant et derrière la caméra).
Peut-être. Ou plutôt peut-être pas.

L’ère du zombie terrifiant serait-elle révolue pour laisser place à un déluge conventionnel que Romero a balisé, ne sachant lui-même plus comment s’en défaire, autrement qu’en pondant un hybridé d’action pompeux et fatiguant (Land of the dead, 2005) ?

L’impressionnant Shaun of the dead (2004), plus un hommage qu’une parodie, est finalement un excellent baromètre de la température zombiesque qui chauffe ces films de genre, auxquels des productions comme 28 Jours plus tard (2002) tentent tant bien que mal de mettre un sacré coup de pieds émiettés, faisant fi des conventions intrinsèques aux dégénérés, qui mal dans ce qu’ils leur restent de peau, s’épanouissaient davantage dans nos VHS et dans nos CD-roms.

Du messager du futur, au monstre cristallisé du passé, le zombie est devenu l’ultime chair à canon vidéoludique et filmique, diffusant de plus en plus rarement un message adapté à notre époque, malgré la tentative – complètement ratée – de Zack Snyder, souhaitant philosopher sur la notion du temps et des nouvelles technologies.

Pauvres, pauvres zombies. Entre grandeur et décadence, ils ne vous restent plus que les émissions de téléréalité. Bon courage.

Strip de la semaine – Faux semblants

 

Tags: cinéma, déception, gore, horreur, magie noire, michael t weiss, morts, reproduction, serpent, wes craven, zombies

A propos de Nunya

Perdu entre quelques chroniques, affres juridiques et amour immodéré de transmédia, Nunya est un jeune demi-chauve optimiste et passionné de culture populaire, particulièrement bien dans son époque.