Interview de Céline Maxant (Journal du Japon)

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Elle est jeune, motivée et a la plume aiguisée, Céline Maxant est la fondatrice du Journal du Japon, un webzine couvrant l’actualité francophone sur les loisirs japonais. Les internautes ne se sont d’ailleurs pas trompé : Avec plus de 30.000 membres sur la page Facebook du magazine en ligne, le site fait partie intégrante des références incontournables du web francophone sur la culture japonaise. L’occasion de revenir entre autres sur le sujet, en compagnie de sa rédactrice en chef.

Bonjour Céline ! Parle moi de ton parcours avant la création de ton webzine Le Journal du Japon.

 Je me destinais à faire carrière comme employée de banque. J’étais d’ailleurs très bien partie. Au moment de signer j’ai réalisé que j’avais envie de faire un métier où je pourrais faire la différence, qui me passionne et où je pourrais mettre le meilleur de ce que je sais faire à profit, ce qui n’était pas le cas en banque. Le journalisme était une voie en fait évidente. Je me suis donc inscrite sur le programme Prepa@la Une avec le CNED, une formation aux métiers du journalisme et aux concours des grandes écoles en 6 mois. J’ai intégré Sciences Com’ en septembre 2008 pour un master 1 journalisme et production de contenu. J’y ai appris l’écrit mais surtout la vidéo. Le web, j’avais déjà appris seule en faisant des piges pour un magazine online destiné aux seniors et en tenant un blog. Quoiqu’il en soit c’est en entrant dans cette école que j’ai commencé le Journal du Japon.

Par son style rédactionnel, le Journal du Japon se distingue des autres webzines relatifs à la culture populaire japonaise. Quel était l’objectif lors de sa création ?

Venant du milieu de la banque, j’avais peur d’être à la traîne en arrivant à Sciences Com’. Je manquais de confiance en moi en tant que future journaliste. La création du Journal du Japon est d’une part venue de là. J’avais besoin de me lancer dans un projet solide qui me permette de faire mes preuves et c’était pas avec mon blog, sans ligne éditoriale, que j’allais pouvoir le faire. En tant que fan, j’avais aussi envie de contribuer au monde du manga en mettant ce que je savais faire à profit, or j’étais en mesure de proposer un traitement de l’information différent de ce qui se faisait déjà dans la sphère médiatique avec du reportage et en m’intéressant pas seulement au manga mais à tout le folklore qui entoure le manga en France.

Comment es tu passée du Journal du Japon à Total Manga Mag ?

Quand le Journal du Japon a pris un bon rythme, j’ai vu la possibilité de le monétiser pour en vivre. J’avais déjà envie de me lancer dans un projet comme la création d’un magazine, mais j’étais indécise sur le format et je savais que je n’avais pas les ressources nécessaires pour me lancer. Puis j’ai rencontré Jean-Marc de Total Manga qui m’a parlé de son projet de lancer un gratuit. Lui cherchait encore un rédacteur en chef. On se complétait donc on s’est rapproché de façon naturelle.

Pourquoi avoir précisément choisi ce partenariat avec Total Manga alors que les lignes éditoriales apparaissent parfois contradictoires ?

Total Manga était justement l’un des sites sur lequel je me basais pour me différencier. L’idée de se retrouver sur un même projet était donc inattendue. Mais pour le magazine on voulait prendre ce qu’il y avait de meilleur dans Total Manga (le principe des critiques, la BDD, le fanart) et dans ma façon de traiter l’information en faisant du reportage.

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Pourquoi avoir lancé un magazine gratuit, moins propre à fidéliser le lectorat, sur un marché (Celui de la culture japonaise) où l’affect est souvent l’élément déterminant ?

En théorie, un gratuit présente un plus gros potentiel de développement qu’un payant. Il va être plus accessible et plus visible. Le but est de démocratiser le sujet, le rendre public, moins de fidéliser le lecteur. L’affect est certes important sur ce secteur, c’était un risque à prendre, un parti pris, que personne n’avait pris jusque là. En pratique,  le processus de fidélisation s’est fait plus qu’on ne l’aurait pensé, notamment en raison du contenu, qui faisait plus “magazine” que “gratuit” dans la tête du lecteur.

Comment qualifierais-tu l’évolution de tes différents projets depuis leur création ?

L’ensemble de mes projets m’a beaucoup apporté d’un point de vue personnel. Ça représente 3 ans de reportages, de management et de rencontres. J’ai eu la chance d’être soutenue par des super rédacteurs. Ce fut un vrai laboratoire d’expériences qui je l’espère me serviront dans mon métier de journaliste très bientôt. Mais je n’ai pas l’impression d’avoir marqué le secteur du manga en quoique ce soit malheureusement. Quel impact a eu mon travail ? Aucune idée. J’ai l’impression d’être passée inaperçue à trop vouloir me concentrer sur mon travail plutôt que la communication de mon travail.

Si tu ne devais retenir qu’une bonne et une mauvaise anecdotes depuis le lancement du Journal du Japon, lesquelles seraient-ce ?

Il y en a trop, dans les deux sens ! J’avais bien aimé la soirée après le concert des LAZYgunsBRISKY au bar de la Féline, on avait tous pu boire un coup avec les artistes après, c’était très agréable. Et mon journaliste avait dragué Izumi avec un tel panache c’était très drôle !

Du côté mauvais… le pire aura été de rendre le 5e numéro du magazine Total Manga Mag, presque personne n’avait rendu ses articles à l’heure, j’étais épuisée par la gestion générale. Ce mois-ci avait été très dur.

D’où vient cette attirance pour le pays de l’oncle Miyamoto ? 

Mon attirance pour le Japon est venue de ma passion pour les loisirs japonais. Est-ce que j’aurais été touchée par ce pays autrement ? Je ne suis pas sure. Je suis de la génération Club Do’, pourtant j’ai l’impression d’avoir été très peu marquée. Je n’ai retenu que Nicky Larson de cette époque. Suite à une rencontre quand j’avais 18 ans, j’ai redécouvert les animes et ma passion pour les loisirs japonais est venue très progressivement. J’ai lu mon premier manga à 20 ou 21 ans. Quand j’ai commencé le Journal du Japon je n’étais absolument pas une experte, au contraire et c’est ce qui a fait la ligne éditoriale du Journal du Japon. Ma curiosité, mon enthousiasme, le fait que je découvre toute la culture qui s’était créée autour du manga, me donnait une perspective assez unique. Cela dit, aujourd’hui je n’ai bien sûr plus rien d’une noob, mais je continue d’aborder les sujets avec recul.

total manga mag

Que penses-tu de la qualité de l’information traitée par la blogosphère francophone sur la culture japonaise ?

Il y a trouver l’information et la traiter. En tant que médias d’information, on nous donne l’information plus qu’on ne va la chercher en général, notamment via nos intermédiaires anglophones ou nos éditeurs. Ce n’est pas un mal en soi : l’information circule bien et on peut faire la différence sur la façon dont on va la traiter : en prenant du recul et en cherchant à la vérifier et à la compléter pour la rendre plus constructive. Ne pas le faire est très facile. C’est sur cette étape qu’on a des inégalités dans notre sphère manga. On peut aller de l’enquête de fond au copié/collé.
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Ensuite le tri de l’info n’est pas toujours objectif, dans le sens où il est fait par des passionnés.
Autrement dit, si un rédacteur est fan d’une œuvre ou d’un artiste, on risque d’en entendre parler souvent, ce qui ne touche en rien à la qualité de l’info en soi cela dit. C’est aussi souvent plus facile de parler de quelque chose qu’on connaît, ou encore, on préfère passer du temps sur une œuvre ou un artiste qui vaut le coup. Ce qui pourrait expliquer que le lecteurs ait l’impression d’une information lisse.
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C’est aussi un domaine avec ses difficultés, je ne sais pas comment mes confrères composent avec.
Traiter avec nos interlocuteurs Japonais, ou même Français est parfois très décourageant. Pouvoir couvrir un concert, faire une critique est parfois laborieux. Mon article sur Nico Nico Douga est un bel exemple. J’ai envoyé mon interview aux Japonais et j’ai recueilli des témoignages d’utilisateurs en juillet, je n’ai toujours pas de retour, et pourtant je relance régulièrement. Je ne sais pas si c’est l’intermédiaire français qui craque ou les Japonais, mais ça se passe trop souvent comme ça, et encore là c’est eux qui m’avaient proposé l’interview… Résultat, je me contente de traiter leur communiqué de presse pour faire passer au moins l’info principale en sachant que j’aurais pu proposer mieux, c’est frustrant. Est-ce qu’avoir de l’ancienneté est plus valable ? Est-ce que ça dépend aussi du format du média (web, papier) ?
Je ne sais pas.
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Outre une éventuelle continuité du TOTAL MANGA MAG, qu’en-est-il de futurs projets ?
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Continuer de développer le Journal du Japon comme un projet para-professionnel. J’ai abandonné l’idée de pouvoir en vivre. Au niveau du contenu j’espère pouvoir proposer mes shortcasts et j’aimerais vraiment faire beaucoup plus de reportages vidéos. J’ai également rejoint un collectif de journalistes-bloggueurs touchant à des domaines culturels variés, comme la hallyu wave, la littérature… 7 Plumes. Ce qui permettra d’avoir une exposition plus culturelle et une identité plus forte sur le web. Du reste je me concentre surtout sur mon travail de journaliste, sans lien particulier avec le manga mais en tout cas en lien avec le monde culturel, j’ai des pistes mais on en saura plus bientôt.
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Si tu devais envoyer un message à ton toi dans dix ans, qu’y mettrais tu ?
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T’as intérêt à avoir fait quelque chose de ta vie !
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L’habituel dernier mot, celui que l’on prépare en séries pour ce type d’interview ?
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Le fameux dernier mot… Merci de lire Journal du Japon, je ne sais pas ce que vous en pensez ou si ça a changé votre vie de le lire… J’espère que quelque part quelqu’un s’amuse à collectionner toutes les photos de la galerie.
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Merci à toi !
Tags: céline maxant, culture japonaise, interview, journal du japon, total manga

A propos de Nunya

Perdu entre quelques chroniques, affres juridiques et amour immodéré de transmédia, Nunya est un jeune demi-chauve optimiste et passionné de culture populaire, particulièrement bien dans son époque.